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Chat-Noir d’ailleurs n’existait plus.

Mais un soir, un camarade, un vieux Parisien celui-là, rencontré par hasard, me mena dans une petite rue — rue Champollion, je crois, non loin de la Sorbonne — dans une boîte sous l’enseigne Le Grillon, qui se changea depuis en Noctambules. Et c’est là que, moyennant un franc, bock ou café compris, j’entendis Paul Delmet, Marcel Legay, Gabriel Montoya, Numa Blès, Vincent Hyspa et les autres bons chansonniers de Montmartre. Je fus ébloui, émerveillé; j’avais l’impression qu’un voile me tombait des yeux, que pour la première fois je voyais le monde comme il faut le voir, reflété dans cette chanson si charmante et si variée. Encore aujourd’hui je saurais répéter presque par cœur les chansons que j’entendis cette première soirée. Les simples et si exquises mélodies, que Delmet, alors bien près de sa fin prématurée, chantait de sa voie grêle de poitrinaire; puis Montoya qui tous les soirs, pendant des années, roucoulait de sa voix de fausset sa jolie Chanson d’antan, pareil à un grand oiseau appelant désespérément sa femelle; et les autres qui de leur verve spirituelle fouaillaient petits et grands et donnaient aux événements de la vie plus de rythme et plus de sens. Oh! l’admirable chanson parisienne, ce fut vraiment elle qui acheva mon éducation; et c’est la nostalgie qu’elle me laissa au cœur qui décida plus tard de ma vie.

Tout cela était bien beau. Mais, pour le moment, le résultat en était tel, que je fréquentais tous les soirs les cabarets, que je flânais dans les rues en fredonnant les chansons entendues hier et en me faisant de dures reproches de négliger mon métier de médecin.

Enfin, après quelques mois de cette existence, il fallut bien rentrer dans mon pays. Je rentrai aussi dans les hôpitaux. Aux questions de mes maîtres de chez nous sur les nouvelles méthodes de la médecine française, je donnais des réponses plutôt diplomatiques. Enfin je poussais tant bien que mal ma médecine, tout en vivant — c’était mon plaisir et ma revanche — dans le monde de la bohème artiste de Cracovie.

Ces années de ma jeunesse se passaient justement dans une période très exubérante de la vie cracovienne et une des plus fécondes de la vie artiste en Pologne. La nouvelle sève s’accumulait dans ce Cracovie, dans ce coin de la Pologne où on respirait plus librement qu’ailleurs. Ce fut le renouveau du théâtre, de la peinture dont l’Académie fourmillait d’une jeunesse pleine de talent, de la littérature, — période qui fut ensuite comprise sous le nom général de la Jeune Pologne. Cette abondance de talents fit du Cracovie de ce temps la ville la plus extraordinaire peut-être qui existât jamais: une capitale intellectuelle d’un grand pays, entée sur une ville qui, à d’autres égards, était bien loin d’être une capitale; une ville relativement petite et dont les moyens matériels n’étaient en aucune proportion avec le rôle qu’elle jouait. De cela il s’ensuivit que l’élément artiste et intellectuel n’y était pas contrebalancé par les finances, l’industrie etc. Les artistes y arrangeaient la vie à leur guise sans se soucier des bourgeois et sans éveiller leurs protestations. Tout cela fit aussi qu’il s’accumula dans le clan artiste de Cracovie d’alors beaucoup de fantaisie, beaucoup de cet humour qui vit dans chaque générations d’artistes, mais qui, dans les tristes conditions de notre vie nationale, n’était jamais arrivé à s’exprimer publiquement. Là, tout près de l’Académie des Beaux-Arts, se trouvait un petit café où s’assemblaient peintres, sculpteurs et toute la jeune bohème cracovienne. Bientôt les parois se couvrirent d’esquisses, de caricatures, de là il n’y eut qu’un pas à l’idée de créer un cabaret artistique.

C’est là que naquit le Petit Ballon Vert, cabaret chat-noiresque, qui groupa la plupart de ceux qui dirigent aujourd’hui la vie artistique en Pologne et qui alors étouffaient dans la trop pleine et trop petite Cracovie. Ce fut une fusée de gaieté folle, un rire bruyant dont les échos parcoururent toute la Pologne; ce fut „le conseil de révision”, parfois cruel, de beaucoup de fausses grandeurs, de beaucoup de mensonges officiels, qui trop longtemps avaient trouvé un abri dans les labyrinthes de notre vie nationale, compliquée et tourmentée. C’est là, qu’entraîné par la gaieté qui était dans l’air, travaillé d’ailleurs par mes souvenirs parisiens, j’ai débuté par une chanson, une autre s’ensuivit, et bientôt, presque sans savoir quand et comment, je devins le gros pilier du Petit Ballon Vert.

Ce Cabaret de Cracovie avait une particularité: il donnait toujours de l’inédit. Aussi ne pensait-on pas à imprimer ce qui se débitait là. Mais après un certain temps, le nombre de mes chansons et de mes vers allant grossissant, on me persuada de les publier. Il fallait trouver un pseudonyme: je ne pouvais tout de même pas signer du même nom les ordonnances et les couplets. Sans penser longtemps, je pris le pseudonyme „Boy”, qui devint rapidement plus populaire que j’aurais pu le supposer et que jamais je ne pus abandonner depuis. Je ne savais pas alors que ma carrière littéraire aura des suites: de là ce paradoxe que la propagande la plus chaleureuse de la littérature française devait se faire par la suite sous un nom de guerre anglais...

L’encre c’est comme la cocaïne; quand on l’a goûtée on y revient. Aussi sentis-je le besoin de noircir le papier au surplus de chansons qui m’obsédaient. J’étais tourmenté par la nostalgie que Paris m’avait laissée au cœur. Ce qui me manquait autour de moi, c’était ce merveilleux sourire de la France, c’était sa sagesse aimable et profonde, c’était son souffle d’amour. Je ressentais vaguement le besoin de communiquer mon enthousiasme et de me recréer en même temps, dans mon cabinet de travail, une „France artificielle”, quelque chose dans le genre du „soleil artificiel des montagnes” que la médecine nouvelle a mis à la mode. Je me mis à traduire. Je me rappelai les instants merveilleux dus à Balzac, et c’est par Balzac que je commençai. Puis je traduisis le Misanthrope, pour voir au théâtre de Cracovie mon grand amour, la Célimène de Molière. Alors, avec Molière, ce fut une sorte de folie qui s’empara de moi. Je renvoyais les malades, quand ils avaient (rarement d’ailleurs) l’indélicatesse de m’incommoder, et je me plongeai dans l’œuvre de Molière. En moins de trois ans je traduisis tout, vers et prose, jusqu’à Don Garde de Navarre, jusqu’à La coupole du Val de Grâce, ce qui prouve qu’un grand amour peut mener à des perversités. La vie m’était devenue délicieuse. Quand j’eus fini tout Molière, je poussai un „ouf!” en pensant que jamais je ne pourrai plus entreprendre un travail de longue haleine: j’étais essoufflé. Pour me délasser, je m’amusai à traduire les jolies et si innocentes au fond Dames galantes de Brantôme; je le fis en vieille langue polonaise; comme notre langue au XVI-e siècle était très sévère, très chaste, cela produisit des effets encore plus cocasses que l’original français. Ah, mesdames, messieurs, cela fit un joli scandale, il faut le dire! mais un scandale que je bénissais, car il aida beaucoup au succès de mon Molière.

Puis, par contraste, je fus tenté par Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et leur langue cérémonieuse, sobre, „brûlante à la façon de la glace”, comme en a dit le poète. Mais aussi Brantôme m’amena à Rabelais. Oh! ce fut de nouveau un paroxysme de bonheur! Je vous assure, qui n’a pas traduit Rabelais, ne sait pas ce que c’est le plaisir de vivre. Je riais aux éclats, tout en inventant le vocabulaire polonais pour rendre dans toute leur saveur ces énormes farces de génie.

Je le traduisis complet, en cinq volumes, pour lesquels je trouvai un éditeur, en le persuadant, que c’était „quelque chose dans le genre de Brantôme”. Il fallait bien employer de ces trucs innocents. Nous finissions justement d’imprimer le dernier volume, quand éclata la grande guerre mondiale. Mon éditeur en fut très contrarié, il me faisait de durs reproches. Nous finîmes notre Rabelais, mais le moment n’était vraiment pas bon pour le lancer: l’éditeur l’a descendu dans une cave, la place était assez bien choisie.

Mais bientôt on m’enrôla, comme médecin-major, plus que jamais „médecin malgré lui”, dans l’armée autrichienne; on me donna d’abord une casquette, puis un sabre, à la fin tout un uniforme. Heureusement, on m’oublia dans la forteresse de Cracovie, car Cracovie était — paraît-il — une forteresse.

Au premier moment il semblait que c’en est fait de toute la vie „civile”, la soldatesque étrangère envahissait tout. On ne voyait à Cracovie que les uniformes d’une foule de nationalités, qui s’entendaient entre elles tant bien que mal en allemand.

Ces premières semaines m’ont forcément détourné de mes travaux, ou plutôt de mes plaisirs. Mais bientôt ma vieille nostalgie me reprit avec une force redoublée. Écorchant l’allemand au cours de mes fonctions de la journée, improvisant dans cette langue mes rapports médico-militaires, j’employais à mes travaux préférés tout le temps possible. Sous le tas de paperasses il y avait toujours sur mon bureau un petit volume français que je cachais à la façon des écoliers, quand j’entendais de loin la voix hargneuse de mon chef. Pendant que les Allemands se battaient contre les Russes sous les murs mêmes de Cracovie, je me plongeai avec délices dans la traduction des Essais de Montaigne. Je traduisis Descartes dans ma petite chambre de service aux sons de la musique qui jouait la marche d’adieu aux régiments partant pour le front d’Italie, et je dois dire que ce rythme allègre allait assez bien à la pensée triomphale de Descartes. Je traduisis Le grand Testament de Villon en quelques semaines d’automne, dans une horrible baraque, humide et sombre, qui me servait alors de logement, où les souris se promenaient sur mon lit, tandis que la pluie battait désespérément le toit. C’était vraiment un cadre bien choisi pour vivre soi-même et faire revivre Le grand Testament de Villon.

Mais écrire n’était rien: la grande affaire d’alors, c’était d’imprimer, d’éditer. Trouver, en 1915 ou en 1916, à Cracovie, situé alors parfois à quelques kilomètres du front, — non pas un éditeur, mais un imprimeur qui consentît d’imprimer, à crédit naturellement, les cinq grands volumes de mon Montaigne, c’était, sans me vanter, un chef-d’œuvre d’éloquence et de diplomatie digne de l’illustre Gaudissart. C’est en 1916 que parurent à Cracovie Les Essais de Montaigne, et — fait remarquable — ils obtinrent un très grand succès: cette divine sagesse faisait du bien à des gens excédés par cette guerre, à laquelle on ne voyait alors aucune fin. Le Montaigne polonais fut beaucoup lu dans les tranchées.

D’un autre côté, il faut dire, que les livres que je publiais alors se trouvaient dans d’assez bonnes conditions de librairie. Rien ne paraissait presque, et comme le livre du dehors n’arrivait pas, le marché était presque vide. Alors le grand public prenait comme nouveauté — et vraiment c’en était une pour lui — du Diderot, du Voltaire, du Marivaux, de Mlle de Lespinasse, du Rousseau, du Gautier, du Balzac surtout. Et une fois cette littérature inoculée au public, elle y restât.

Donc, je publiai pendant toute la guerre en moyenne un volume de mes traductions par mois. Pour arriver à mon but qui était de faire vivre ces œuvres d’époques si éloignées et si différentes, il fallait se faire leur „conférencier”, il fallait les présenter au public, en les replaçant dans leur milieu; bref, il fallait m’improviser un peu historien de la littérature. Le temps de guerre se prêtait à des métiers improvisés: ce qui me donna courage. Je me plongeai dans la critique française que j’avais tant admirée dès ma jeunesse; je tâchai aussi de dégager mes impressions personnelles.

Car vraiment je puis le dire, il n’y a peut-être pas de rapports plus intimes que ceux qui se forment entre l’écrivain et son traducteur. C’est à son traducteur que l’auteur dévoile tout, jusqu’à ses faiblesses; c’est le traducteur qui peut le mieux distinguer le titre du métal précieux contenu dans chaque page. C’est lui qui, par son métier, entre dans le mécanisme

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