Maria. Poème d'Ukraine - Antoni Malczewski (coczytać .txt) 📖
- Autor: Antoni Malczewski
- Epoka: Romantyzm
- Rodzaj: Liryka
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Contre la porte enfin le cheval poussa son poitrail écumant, et hennit en rafraîchissant de ça et de là ses naseaux; mais bien que la lune fut claire, le guerrier ne vit personne; aucun écuyer n’accourut d’un pied leste pour tenir l’étrier: «Il doit être bien tard, laissons-les dormir sans trouble,» pensa Venceslas en attachant le coursier. Et avec cette joie vive où le cœur se plonge lorsqu’il doit battre bientôt auprès d’un sein chéri, avec ce regard brillant où l’on voit s’ éteindre l’inquiétude, d’un seul bond joyeux, il est sur le seuil. Ah! que de charmes, de caresses, vont s’éveiller pour lui! Encore un instant, et il sera le plus heureux des mortels ou des anges. Il frappe une fois, deux fois, trois fois; trois fois l’écho vigilant accourt avec sa réponse, et se tait... lui seul ici, pour marquer le mouvement et la vie, dans un léger sommeil a attendu le jeune chef. Point de pas précipités qui s’avancent; point de voix parlant tout ai coup en tumulte, point de lumière dans la demeure sombre, silencieuse et fermée: «Oh! comme leur sommeil est dur!» L’impatience dit au guerrier qu’un seul coup de sabre lui ferait franchir le seuil. Mais, ce violent conseil, il ne saurait l’écouter... exciter l’inquiétude de Maria, pour abréger la sienne!... Puisse la route des orages se terminer dans le sein du guerrier, pourvu que jamais la seule crainte n’en arrive jusqu’à elle. Il frappe encore, mais plus doucement; dans le ciel de son cœur s’est montré un sentiment angélique, l’oubli de soi même, il s’éloigne à pas lents; parfois au milieu du silence, tout-à-coup il s’arrête: n’a-t-il pas entendu quelqu’un? Il regarde la lune, qui dans son plein éclat projette sur l’herbe la stature du guerrier en ombre noire et gigantesque. Avec quels doux rayons et quel paisible cours elle brille et roule dans les cieux! Ah! c’est qu’elle a les yeux tournés vers son soleil! Le guerrier penche la tête; il lui a semblé voir le sourire de l’ironie. sur cette face joufflue. Plongé dans sa triste rêverie, mais incapable d’achever ses pensées, dans un chaos de sentiments opposés, où la crainte, la douleur, l’amour, les souvenirs, le bonheur, tout enfin est en suspens; il erre autour du château endormi et silencieux; demeure muette, sans bruit et sana vie, recelant un précieux trésor, comme ces palais enchantés des contes arabes. Mais qu’a-t-il vu? Au moment où il perdait toute espérance, il observe enfin un mouvement: dans la chambre du repos, une fenêtre est ouverte, et le voile léger, déployé là pour arrêter les insectes rôdeurs de la nuit, se joue, en fuyant, du timide zéphyr, et tantôt le fait sortir de la chambre, tantôt l’y attire. Quelle flamme délicieuse court dans les veines de guerrier! Tout l’éclat du bonheur revient vite sur ses traits. Comment résister aux pensées qui l’enivrent? Il faudrait être la vertu la plus pure, ou une pierre inerte. Il n’est ni l’une ni l’autre; il sait combattre dans la bataille, et aimer d’un cœur fidèle et reconnaissant... mais le voilà dans la chambre.
XVISur la couche en désordre, dans sa robe de deuil, une femme endormie est étendue; mais la douce quiétude ne caresse pas son dur sommeil, et comme si une mort soudaine eût mis fin à ses violentes douleurs, sur son visage livide, la souffrance est restée; tranquille, immobile, son corps est cependant raidi, et ses longues tresses retombent en désordre, mais noir dans ce désordre où l’amour jette la beauté endormie. Affreusement gonflée, bouffie par la convulsion, on dirait qu’elle va gémir, mais ses lèvres sont serrées par une force puissante, et un rayon de lune entoure de sa lumière tremblante ce sombre visage, et met dans ses yeux à demi fermés cette sauvage tendresse, cette caresse de vampire, qui est dans le regard d’une amante. C’est la jeune et belle Maria. Venceslas est debout auprès d’elle; il lui apporte le bonheur, qu’a-t-il à craindre? C’est la jeune et belle Maria, oh! combien elle est changée! Est-ce que le ver va déjà s’enfoncer dans son sein? Mais Venceslas ne reste pas longtemps là, sous le coup de l’étonnement; l’âme a bientôt maîtrisé le tremblement du corps, et penché sur ce visage, il unit ses lèvres aux lèvres de Maria, et y fait couler avec délices le miel qui emplit son cœur:
«O ma chère Maria, tu es froide et muette.... et déjà pour nous le bonheur est revenu...» et l’écho dit: «n’est plus!»
«Maria, ma bien-aimée, on m’a vu pour jamais sur un champ de bataille... mon pére nous unit...» et l’écho dit: «sépare!»
Il la caresse, il veut la ranimer, et son amour inquiet se consolerait d’avoir obtenu un soupir. La tête soudainement renversée de Maria retombe sur la poitrine du guerrier, et heurtant l’armure, répond avec un bruit gémissant. Le guerrier crie, cherche du secours, se précipite à travers le château désert... seul, le bruit de ses efforts impuissants se répercute sur les murailles. Il revient; il a trouvé un espoir: peut-être l’air du dehors dissipera-t-il les ténèbres de la mort qui voilent ces yeux noirs. Mais, soulevée par le bras puissant du guerrier, en quels mouvements hideux cette taille se tord! ce n’est plus le corps souple, aérien, qui échappait à la terre: inerte comme la ruine qui vient de tomber, les bras, la tête pendants, les pieds déjà raidis, c’est un objet d’effroi, cher encore au guerrier: «de l’eau, de l’eau!» s’écrie-t-il d’une voix perçante, et il renverse à grand fracas la porte énorme du château.
XVIIDans les touffes d’herbes grises un léger mouvement se produit; les herbes s’écartent, un bonnet apparaît, une tête s’élève, un corps est debout. Là, dans une silencieuse attente, se tenait caché le jeune garçon qui pleurait sur le monde. D’un œil attendri, il contemple le guerrier, qui regarde avec étonnement cette jeunesse flétrie. Est-ce la peur, est-ce un charme qui l’a forcé à se cacher là? Je ne sais... Il sort du fourré et parle ainsi:
«Que le guerrier au cœur tremblant ne demande plus de l’eau, car l’éclat de la beauté terrestre vient de s’éteindre en cette femme; ce sont les abominables masques, qui dans leurs jeux perfides, ont noyé dans l’étang le beau sein de la châtelaine, et celui qui a quitté les hommes, jamais ne reviendra parmi eux; tous ceux d’ici, seigneurs et dames, écuyers, gardes à pied, ont couru après les bandits, d’autres sont allés chercher les prêtres et les vieilles femmes; et maintenant cette demeure est silencieuse; mais avant que l’aube apparaisse, les serviteurs de la mort viendront murmurer les prières, encenser et chanter, et celui qu’ils ont une fois suivi, toujours restera parmi eux. Toujours!... oh! triste parole, quand le destin impitoyable en fait l’écho d’une voix qui gémit sur une perte cruelle! dans l’amour, dans l’amitié, à tous les moments de la vie, parole si souvent répétée, mais vraie... dans la tombe... car celui qui a quitté les hommes jamais ne reviendra parmi eux.»
Élevant sa petite taille sur la pointe de ses pieds, pour arriver jusqu’à l’oreille de Venceslas, il murmure, murmure son récit, et sur le visage du guerrier un nuage de plus en plus noir vient s’étendre, et tout-à-coup, sur ces mêmes traits qu’assombrit le désespoir, le feu de la colère et du mépris éclate comme la foudre; enfin l’on y voit apparaître cette fureur insensée, qui ne laisse voir en son œil qu’un objet: le cercueil de son ennemi; qui de sa flamme infernale, dévore les liens les plus sacrés, alors même que l’œil a vu le poison dans le cœur le plus proche; enfin apparaît ce désir furieux de sang, de cris, de cloches funèbres; flamme d’un cœur perverti, qui rallume la torche des haines domestiques, et va, dans le sein où elle est née, punir le crime par le crime! Mais si le plus affreux des supplices est pour lui dans le coup mortel donné à sa bien-aimée et à son bonheur par la main qui donne les bénédictions, oh! à côté de cette horrible et légitime soif de vengeance qui l’agite, quelles tortures du désespoir et du chagrin! Comme toutes les douleurs, dans son œil hagard, s’unissent avec cette pensée accablante, que la sentence est irrévocable! Elle est moins effrayante de douleur, cette image des plus cruels tourments, la statue de Laocoon!
XVIIIAinsi Venceslas, d’un seul coup, a tout perdu en ce monde, le bonheur, la vertu, le respect des hommes ses frères; et jamais il ne réveillera de son sommeil sa bien-aimée, elle, qui devrait remplacer pour lui toutes les vertus des hommes, elle, dont l’éclat pur et doux, l’angélique auréole, voilaient d’une illusion les trompeuses amitié, les cœurs vides et frivoles. Ainsi Venceslas reste seul dans le désert. Ah! quelles ténèbres la mort de Maria laisse autour de lui! Longtemps, debout près du cadavre, il reste dans une muette désolation, semblable il une statue de marbre sur le tombeau d’une amante; l’horreur de cette méchanceté barbare, et l’aspect de ce qu’elle a fait, ont chassé de son âme jusqu’à l’attendrissement de la douleur. Seule, cette amère pensée ramène en lui les regrets: ah! pourquoi se fia-t-il aux hommes, pourquoi l’a-t-il quittée? Et lorsqu’il voit sur ce visage gonflé ce reproche, qui, dans sa lutte avec la mort s’est gravé là malgré elle... premier et dernier reproche... lui dire qu’il a perdu le bonheur et qu’il s’est perdu avec Maria, alors soudain son cœur retrouve le battement; il se couvre le visage de ses deux mains et pleure comme un enfant! Mais pas longtemps; ce cœur trahi, déchiré, s’est corrompu, empoisonné en un instant; voila cette âme, auparavant si généreuse, marquée du symbole qui a conduit à l’infamie tous les exilés de leurs pensées. Quoi, cet homme, à la fleur de l’age, est-il déjà l’opprobre de la terre? Ah! demandez-lui plutôt à quoi sert la bonté, ici-bas, où tout ce qui est sensible et noble ne brille qu’un instant, où la mort des vieux pères est un avantage pour les fils, où cet amour du prochain, si glorifié, dans sa feinte tendresse, se réjouit du malheur ou envie le bonheur d’autrui, où l’âme généreuse est quelquefois sifflée, parce que le voile charmant de la vertu sert à parer la perfidie; où il n’est qu’une seule joie, l’attachement mutuel de deux cœurs fidèles, incompris du vulgaire, et dont les transports absorbent la vie.
XIXDans cette obscure et morne forêt des passions humaines, aux uns le temps apporte avec lenteur l’engourdissement. Feuille par feuille ils se dépouillent, et sur la fin de l’automne, pareils il des chênes moussus et silencieux, ils restent nus. Aux autres les orages amassés par les rayons brûlants de leur soleil, jettent, avec le fracas et la foudre, les maux cruels cachés dans leur sein; et puis le ciel brille encore, et parfois il semble qu’une verdure plus riante va renaître après la tempête. Mais celui qui s’approche et regarde, sous une apparence de vie découvre les noires stigmates du feu. Et si la flamme qui consume la moelle du chêne frappé est activée par le souffle de l’ouragan, qui oserait éteindre l’incendie allumée par la foudre? Alors la végétation luxuriante propage de tous côtés la destruction... dans cette obscure et morne forêt des passions humaines.
Ce que Venceslas peut se promettre en cette vie, il serait difficile de le dire, effrayant de le deviner. Sur son cœur est un voile noir et ensanglanté... assez! pourquoi le déchirer et mettre à nu la blessure? Il ne lui reste rien, et tout ce qu’il peut gagner, c’est que non le temps, mais le feu, consume les ruines restées en lui.
Après s’être humilié devant Dieu dans une courte méditation, avec l’aide de son jeune ami, de son nouvel ennemi, peut-être, il rapporta le cadavre à la chambre du repos, et la lune prêta à leurs yeux obscurcis son flambeau! Là, pour la dernière fois, il arrangea la couche de sa bien-aimée, et venant avec tendresse au secours de la pudeur impuissante, répara le désordre de son attitude, de sa chevelure, de ses vêtements, car la méchanceté curieuse va jusqu’à médire de la mort. Alors, jetant un regard mélancolique sur ce visage inanimé, un regard où se
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