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mince patrimoine, déjà bien amoindri par ses voyages.

La nécessité le poussa à vendre le manuscrit de Maria, et ce poème fut imprimé en 1825. Cette œuvre si belle, l’un des plus précieux joyaux de la couronne littéraire de la Pologne, passa inaperçue. La querelle des classiques et des romantiques, alors dans sa plus grande ardeur, divisait la Pologne littéraire en deux camps, et celui des classiques avait encore pour lui la supériorité du nombre et des armes. Inconnu avant l’impression de Maria, Malczewski le fut encore longtemps après.

Parmi les rares littérateurs dont Maria fixa l’attention, presque tous, champions déterminés de l’école classique, mirent au grand jour les défauts et laissèrent dans l’ombre les beautés de cette œuvre éminemment nationale dans sa conception et sa forme. L’indifférence des uns, les attaques des autres empêchèrent sans doute Malczewski de publier son second poème, Samuel Zborowski.

D’ailleurs, il touchait au terme de sa carrière. Pauvre, malade, abattu, il se réveillait parfois pour user dans la débauche le souffle de vie qui lui restait. Vint le jour où il ne put payer le loyer de la maison qu’il habitait à Varsovie; heureusement la mort mit fin à ses angoisses; une maladie amenée par les chagrins et les excès l’enleva prématurément. Il expira le 2 mai 1826, à l’âge de 34 ans environ. Dans sa carrière si courte, il avait beaucoup travaillé, beaucoup souffert; et si l’on doit l’estimer heureux d’avoir échappé si vite à ses maux, la Pologne pleurera éternellement en lui un poète, mort à la fleur de l’âge et dans toute la vigueur de son talent.

Comme je l’ai déjà dit; il était inconnu au moment de sa mort. Une phrase banale du courrier de Varsovie annonça au monde littéraire qu’Antoine Malczewski ne vivait plus, et le silence se fit autour de la tombe du poète. On est arrivé avec peine à rassembler quelques détails sur sa vie, en interrogeant les parents, peu nombreux, et les rares amis qui l’approchaient. Ils ont vanté son extérieur séduisant et sa remarquable instruction; ils ont dit qu’il professait un grand mépris pour la richesse, et qu’il se montrait prodigue, dans sa pauvreté, pour secourir les malheureux. Ils lui reprochaient ses habitudes raffinées, suite de l’éducation française qu’il avait reçue, et ses mœurs relâchées.

Cette froideur de ses contemporains se conserva plusieurs années après sa mort. Puis, tout-à-coup, elle fit place à un grand enthousiasme. En 1833, Malczewski avait déjà, parmi les grands esprits de la Pologne, la place qu’il mérite. Deux littérateurs distingués, Grabowski et Mochnacki, avaient forcé l’opinion à rendre justice à son génie. Le poème de Maria fut traduit en plusieurs langues; Mochnacki le fit connaître aux Russes; Werner — aux Allemands. La première traduction française fut publiée en 1835 par Clémence Robert. La renommée du poète alla toujours grandissant. Aujourd’hui, les Polonais citent avec orgueil le nom de Malczewski, le poète de l’Ukraine; son noble et doux langage leur fait oublier parfois les souffrances de l’exil, et son nom ne périra point, tant qu’il restera parmi eux des amis du beau et du bien.

Przypisy:

1. ces ravins, ces abîmes sans fond — en Russie, presque à chaque village, on trouve des sources ou puits que le peuple regarde comme insondables. En outre, chacun de ces gouffres est illustré par quelque récit merveilleux, et visité de temps en temps par les esprits (Malczewski) [la Russie signifie ici les terrains de l’Ukraine; Red. WL]. [przypis autorski]

2. un vampire — la croyance aux vampires est très répandue parmi les peuples de race slave. [przypis redakcyjny]

3. Boh — fleuve qui traverse l’Ukraine et se jette dans la mer Noire, a l’ouest de l’embouchure du Dniepr. [przypis redakcyjny]

4. sumak ou suhak — J’ai rencontré dans les campagnes désertes, le long du Dniepr, une certaine bête de hauteur comme une chèvre, mais le poil fort délié et ras, et quasi doux comme du satin, lorsqu’elle a mué, car après son poil devient plus grossier et est de couleurs châtain; cet animal porte deux cornes blanches bien luisantes; il se nomme en langue russe Soumaki: il a les jambes et les pieds fort déliés. Il n’a point d’os au nez, et quand il paît, il marche en arrière et ne peut paître autrement; sa chair est aussi bonne que celle d’un chevreuil (Beauplan, Description de l’Ukraine, 1651). Cet animal est appelé Saïga par Buffon. [przypis redakcyjny]

5. le seigneur palatin — le wojewoda (palatinus) était à l’origine un chef militaire; plus tard il devint une sorte de gouverneur de province, juge suprême, etc. [przypis redakcyjny]

6. comme dans une peau rugueuse on enchâsse le diamant qui prête son éclat à la vanité — allusion à la garniture des poignées d’épée. [przypis redakcyjny]

7. les ailes des hussards — on a vu longtemps, dans les armées polonaises, des cavaliers portant de grandes ailes fixées derrière les épaules, afin d’épouvanter l’ennemi. Lors de la délivrance de Vienne (1683), la cavalerie de Sobieski comptait un certain nombre de soldats ainsi équipés. [przypis redakcyjny]

8. le vaillant compagnon — les lanciers gentilshommes (compagnons) de grands biens, qui possèdent jusqu’à 50.000 livres, servent tous à 5 chevaux; sur une compagnie de cent lanciers, il n’y aurait que vingt maîtres, qui cheminent tous de front, de sorte qu’ils sont chefs de file, et les quatre rangs suivants sont leurs serviteurs, chacun en sa file (Beauplan). [przypis redakcyjny]

9. les élus écoutent les hymnes des chérubins — l’expression du ravissement, si touchante sur un beau visage, peut-être parce qu’elle révèle qu’il existe quelque chose de plus beau, ne laisse fixer dans aucune image cet oubli de soi-même qu’elle peint admirablement; seul, le pinceau de Raphaël, dans le tableau de Sainte Cécile, a pu la saisir avec cette beauté que nul n’a jamais contemplée, si ce n’est en imagination. Sainte Cécile, patronne des musiciens, est représentée dans ce tableau entourée d’instruments, au moment où un écho des chants angéliques arrive à son oreille; il n’y a point de mot pour dire le saisissement, dont cette figure parait frappée: il semble que l’âme s’arrache au corps et s’unisse a chacun de ces doux accents; il semble qu’une modestie charmante comprime son essor par la pensée qu’elle n’est point digne de ce bonheur ineffable, et qu’au milieu de ces délices inconnues a son cœur, se glisse un sentiment de tristesse, à l’idée, que la musique d’ici-bas n’aura plus d’attrait pour elle. La plus grande simplicité règne dans toute la composition de ce tableau; la figure de la Sainte est moins jolie que les visages des autres vierges du même peintre; seule, cette pensée de génie rayonne depuis des siècles dans cette précieuse toile et attire à elle par un charme indicible. Ce tableau se trouve à Bologne, et les connaisseurs le mettent au rang des œuvres les plus glorieuses de Raphaël, par la poétique impression qu’il fait naître, et d’après mon opinion, c’est le plus beau que la peinture ait produit. [przypis autorski]

10. le porte-glaive — le Miecznik (gladiarius) fut d’abord un officier qui portait, au couronnement du roi, le glaive symbolique; quand la Pologne se trouva divisée en une multitude de provinces, le porte-glaive devint un chef militaire dont l’autorité s’exerçait dans certaines limites territoriales. [przypis redakcyjny]

11. joupan — le joupan était une espèce de soutane sur laquelle les anciens Polonais jetaient le manteau, quand ils sortaient de leur demeure. [przypis redakcyjny]

12. les élection orageuses — en l’élection du feu roi Wladislas (1632), il se passa bien quinze jours pendant lesquels, à une demi lieue de Varsovie, autour d’un petit parc de 1200 pas de tour, il y avant bien 80 mille hommes a cheval, qui étaient tous soldats suivant les sénateurs, car chacun sénateur avait une petite armée, dont les un en avaient moins; les autres en avaient plus, comme le palatin de Cracovie, qui avait pour lors jusques à 7 mille hommes; d’autres en avaient selon leur pouvoir, car un chacun se fait accompagner par ses amis et par ses sujets au meilleur état qui lui est possible en bon ordre, et en résolution de se bien battre en cas de discorde; notez que durant le temps de l’élection toute la noblesse du pays était aux écoutes, ayant tous le pied à l’étrier, près de monter à cheval au moindre bruit, afin de pouvoir fondre sur ceux qui eussent voulu forcer et violer leurs libertés (Beauplan). [przypis redakcyjny]

13. fruits de la mer Morte — on trouve dans les poètes anglais de belles comparaisons au sujet de ces fruits, qui doivent croître sur les bords du lac Asphaltite, connu sous le nom de mer Morte... Malczewski s’exprime ainsi dans sa note. Il cite ensuite Byron et Moore, quand ils parlent de ces fruits «qui tentent les yeux et deviennent cendres sur les lèvres.» Voici un passage de l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, dans lequel Chateaubriand fait justice des récits fabuleux de maint voyageur: Je crois avoir trouvé le fruit tant recherché: l’arbuste qui le porte croit partout à 2 ou 3 lieues de l’embouchure du Jourdain; il est épineux, et les feuilles sont grêles et menues; son fruit est tout-à-fait semblable, en couleur et en forme, au petit limon d’Égypte, lorsqu’il n’est pas encore mûr, il est enflé d’une sève corrosive et salée; quand il est desséché, il donne une semence noirâtre, qu’on peut comparer à des cendres, et dont le goût ressemble à un poivre amer; j’ai cueilli une demi-douzaine de ces fruits. [przypis autorski]

14. Au-dessus des splendeurs du monde et de son faux éclat, apparaît comme un blanc plumage, l’humble vertu qui s’abaisse — Cette comparaison, qui s’accorde avec la foi chrétienne, n’est peut-être point fausse, quand elle a trait à l’apparence sous laquelle se présentent à l’œil, a une hauteur considérable, les œuvres de l’orgueil ou de l’intelligence de l’homme, et même les beautés de la nature que l’on peut encore apercevoir. Durant mon ascension sur le sommet du Mont-Blanc, où je restai 2 heures, et où je ressentis des émotions que je n’éprouverai certainement plus de ma vie; durant cette ascension mes yeux en ma pensée perdurent tout vivants l’image de ce domaine où l’homme règne; de la terre, demeure de l’homme, on distinguait seulement les objets de couleur blanche, et précisément ceux qu’il n’est pas en notre pouvoir de changer: ainsi je voyais bien les lacs de Genève, de Neufchâtel, de Morat, de Bienne, etc... pareils à des voiles déployées dans le crépuscule, tandis que les maisons, les villes assises aux bords de ces lacs, les couleurs, les objets brillants, formaient des taches obscures; de même, on pouvait reconnaître les glaciers; au contraire, les prairies, les bois, même les montagnes d’une hauteur notable mais de rang inférieur, se confondaient autour d’eux dans une brume grise. Rien n’est plus beau, plus sauvage, que ce spectacle, du haut du Mont-Blanc; mais comme il est entièrement différent des vues que l’on connaît, on ne saurait se le représenter qu’en s’imaginant que l’on est porté sur les ailes d’un bon ou d’un mauvais esprit, au moment où Dieu tira la création du chaos. Tout ce qui est l’ouvrage de l’homme s’efface par sa petitesse; mille montagnes gigantesques, aux sommets de granit, aux manteaux de neige, un ciel de couleur presque noire, un soleil obscurci, l’éclat de la neige, l’air raréfié, et par suite la respiration courte et les battements précipités du pouls, pénètrent le mortel de je ne sais quelles sensations et émotions surnaturelles; et je sans sûr, qu’en outre des autres causes, seulement par la disproportion énorme entre ce frappant aspect des montagnes et la faiblesse de nos sens, nul ne pourrait supporter longtemps un tel spectacle. Que ce récit des impressions extraordinaires dont je fus frappé sur cette immense et unique montagne, n’engage aucun de nos jeunes touristes à entreprendre ce voyage: sans parler de la fatigue excessive et des dangers qu’entraîne inévitablement une pareille entreprise, le succès résulte de circonstances indépendantes de notre volonté. Trois jours de beau temps, et sans le plus petit nuage, des neiges pas trop amollies, seraient assurément de plus

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